Oret : meurtres, incendies et exactions

6 récits concernant les exactions des Allemands à Oret permettent de se faire une idée assez précise des événements qui eurent lieu dans le village pendant et après les combats du 23 et du 24 août 1914

Les Allemands entrent dans Oret dès 9H00 du matin dès que les troupes françaises se sont repliées (8H30).
Des soldats français ne manquant pas de courage restèrent en embuscade dans les maisons ou derrière les haies afin de ralentir l’avance allemande :
En effet, Mr Denis est témoin de l’arrivée des premiers uhlans qui descendent à Oret par la ruelle Cadet : à peine ont-ils approché des premières maisons que 2 d’entre eux sont immédiatement abattus.
Des fantassins arrivent ensuite et comme à l’accoutumée terrorisent les quelques civils qu’ils trouvent et les obligent, revolver au poing à passer devant eux et à visiter chaque habitation pour vérifier qu’aucun Français ne se cache dans les maisons qu’ils fouillent les unes après les autres. Par peur de tomber face à un Français, les Allemands se servaient de civils comme ici Mr Denis pour inspecter les habitations.
Les consignes reçues par les soldats allemands étaient de fouiller les habitations afin de s’assurer qu’il ne s’y trouvait plus d’armes, de soldats ou de soi-disant civils francs-tireurs. Les francs-tireurs devaient être fusillés et les maisons desquelles ils avaient tiré devaient être incendiées.  Ces consignes servirent d’alibi pour fusiller des civils innocents, piller les habitations et les brûler. Les maisons étaient incendiées si un Français y avait fait le coup de feu, parfois simplement par défoulement ou pour masquer les vols et pillages.  
A Oret, à Biesme et à Stave les villages furent complètement pillés et de nombreuses maisons furent incendiées par la suite sans aucun motif autre que la colère ou le défoulement de la troupe.
Suite à des campagnes de propagandes fantaisistes, les Allemands croient que les belges ne sont que des terroristes organisés en bandes de francs-tireurs, qu’ils martyrisent et torturent les blessés et empoisonnent les sources. Mr Denis est emmené par un officier avec quelques soldats et est contraint de boire l’eau de la fontaine afin que les Allemands puissent s’assurer que l’eau n’est pas empoisonnée. Là, un Français caché dans une remise servant de four à pain, tue l’officier. Les soldats se débandent et accusent les civils de cet acte. La prise du village n’est donc pas facile, car celui-ci fourmille encore de soldats attendant l’embuscade. Selon mémoire d'habitant, un soldat algérien caché dans l'école des garçons faisait le coup de feu par le soupirail à charbon sur les Allemands qui traversaient le pont. Cet endroit sera peut-être aussi le théatre de combats de rue car selon un récit, il s'y trouvaient de nombreux cadavres.  

Ecole des garçons avant 1914 Même vu après le passage des Allemands

C’est probablement pour cette raison et par vengeance, les Allemands incendient 65 maisons. Sur la place, la manœuvre pour l’incendie volontaire est commandée par un officier, au son de la fanfare.

Rue de la Citadelle après la guerre, il reste encore des ruines. Toutes les maisons de la rue furent incendiées. Vue sur l'église après la guerre, il reste encore des ruines. L'église et la maison à sa gauche (Charles Laventurier) furent épargnées. Tout le reste fut incendié en 1914. 

Une fois que les soldats allemands se sont assurés que les maisons n’abritaient plus de Français, une autre tâche commence. Mr Denis écrit qu’il est obligé de remonter les victuailles et le vins des caves des maisons : Le nettoyage du village terminés, les soldats peuvent s’adonner au pillage et s’enivrent.
Les maisons et les magasins bien achalandés sont des proies désignées.
Une fois pillés, les magasins sont presque toujours incendiés afin de dissimuler les preuves des vols. 

Plan des maisons incendiées à Oret en 1914

La flèche verte: endroit où furent retrouvés les corps de l'abbé Berlier et de Camille Bodart. Flèche rouge: emplacement de l'ancien cimetière militaire qui jouxtait la fosse commune.

 

Meurtres de civils:


 

Léonie Hizette, la femme de Adolphe Denis fut lâchement assassinée : elle était dans sa maison face aux à la soldatesque qui pillait son vin et s’amusaient à l’effrayer. Il est probable que prise de panique, elle essaya de s’enfuir et fut abattue d’une balle dans le dos.  

Pierre tombale de Léonie Hizette

L'abber Berlier 

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Meurtre de l’abbé Berlier : L’abbé Berlier et Camille Bodart de Leroux sont retrouvés abattus à Oret sur la route de Florennes.
Louis Berlier de Biesme arrêté à Biesme fut accusé d’actes graves parce qu’il essayait d’éteindre l’incendie qui commençait à ravager la maison familiale suite au bombardement français. Faux prétexte allégué par des soldats envoyés en mission à Oret qui emmenèrent ce dernier ainsi que Camille Bodart afin de les utiliser comme  bouclier humain durant le trajet. Ainsi se protégeant-ils de soldats français éventuellement embusqués derrière des haies.
Arrivés à Oret, près de la route de Florennes, ces soldats fusillèrent sans aucun scrupule leurs 2 prisonniers devenus inutiles et encombrants. D’autant plus que Mr Berlier est vêtu de ses habits de prêtre et que les soldats allemands, protestants, portent énormément de haine vis-à-vis des prêtres qu’ils accusent d’être les chefs de bandes de francs-tireurs.  

Témoignage du pharmacien Berlier, frère de la victime :

« Conduit avec les troupes à Oret, les Allemands l’avaient assassiné près de la chapelle Saint-Hubert  sur la route de Fraire avec un jeune homme appelé Bodart »

Le lundi de nuit, les Allemands enlèvent les cadavres de leurs soldats, n’hésitant pas à les incinérer dans des habitations et granges
Un incident qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques : dans une grange, le corps d’un soldat allemand qui n’a pas été trouvé et enlevé de la nuit est découvert mardi dans l’après-midi par des soldats. Les allemands soupçonnent tout logiquement les civils de l’avoir tué ! 
Il est plus que probable que sans l’intervention de Sœur Elisabeth, les Allemands qui avaient bien l’intention de fusiller les civils qu’ils avaient sous la main auraient mis leur menace à exécution.

Tous ces faits nous incitent à  croire que les Allemands avaient essuyé à Oret de nombreuses pertes. Selon sœur Elisabeth  « 1200 soldats tués, le plus grand nombre des Allemands » Bien qu’invérifiable ce nombre est tout à fait plausible. Sœur Elisabeth écrit qu’au couvent 1.200 à 1.300 blessés furent soignés, mais à Biesme, ils s'y trouvaient aussi d’autres blessés en grand nombre : les Allemands, devant même réquisitionner l’église devant ce flot d’estropiés qui furent ramenés du champ de bataille. 

L’abbé Donis écrira : 

« Les allemands eurent beaucoup de victimes, à preuve le nombre de blessés : 600 à Biesme, 300 au château Toussaint »
Exactions sur un blessé :

Sœur Elisabeth  est témoin d’un acte barbare sur un blessé, étendu le long de la route, il est volontairement écrasé par la roue d’un canon puis un soldat essaye de l’achever en lui tirant dans la tête avec son revolver. 

 

Six témoignages vous sont ici présentés sur les événements d’août 1914 à Oret


1. Synthèse des événements qui se déroulèrent à Oret suivant les rapports du curé Laloux d’Oret (A.Ev.N) :

Lorsque le 04 août 1914, la guerre éclata, les autorités civiles s’empressèrent de mettre à exécution les ordres du gouvernement concernant la remise des armes et l’organisation de la garde civique active. Entre-temps, les soldats appelés sous les armes nous quittâmes. Deux volontaires se rendirent au secours de la patrie : Clément Coppée et  Edouard Francotte. Les familles angoissées cherchèrent la force et le courage dans la prière. La visite du soir, surtout, réunissait de nombreux fidèles au pied du Saint Sacrement. Les nouvelles les plus fantaisistes circulaient : Liège tenait toujours ; les armées françaises volaient à notre secours, des Anglais voire des Russes débarquaient à Anvers ! Le 15 août arriva, la procession traditionnelle fut remplacée par une procession de pénitence et ce fut alors que l’on entendit les grondements des canons de la bataille de Dinant et que l’on vit arriver ici les premiers soldats français : c’étaient des cuirassiers ! Toute la semaine, le village fut occupé par des troupes françaises au bivouac. Essentiellement des bretons. Les habitants leur faisaient fête et le soir, l’église était bondée de troupes qui venaient implorer la protection divine. Bon nombre de soldats s’approchèrent des sacrements. 
Samedi 22 août: Dans le courant de l’après-midi, un flot de fuyards venant de la Basse-Sambre vint semer la panique avec les nouvelles alarmantes qu’ils apportaient : les armées allemandes étaient proches, Tamines Brûlait, Aiseau, Arsimont, Falisolle étaient  aux mains des ennemis. 
Le soir, à la vue des gens de Sart-Eustache, de Le Roux et de Biesme qui venaient en foule et de toutes sortes de gens du pays, au spectacle des premiers blessés français qui durent être soignés à l’école des garçons*1, chez les sœurs françaises et évacués sur Florennes, la peur s’empara de notre population et ce furent à partir de cette soirée la fuite et le départ. Toute la nuit, les familles quittèrent la localité en se tenant au contingent des troupes d’infanterie. 

Le dimanche matin, une vingtaine d’habitants seulement étaient encore à Oret. La Sainte messe fut dite en privé à 5H00 du matin, puis l’église fut fermée. Les blessés arrivaient sur des chariots et des brancards. Ce va-et-vient donnait une animation intense au village. 
Le canon tonnait du côté de Charleroi et de Gougnies. La journée se passa dans l’inquiétude. Vers 5H00 arriva de Florennes une batterie de canons qui alla se poster à l’orée du bois de la Follée*2, elle donna sans relâche jusque 7H00 (19H00) causant on le sut plus tard, de grande perte à l’ennemi. Le feu cessa  à 7H00 et un calme profond envahit notre vallée. 

Lundi matin pendant que le combat fait rage dans le village,

le curé Laloux célèbre la messe au milieu des blessés français et des quelques rares habitants

Le curé Laloux devant l'église

Lundi vers 3H00 du matin, la canonnade repris. C’était les pièces allemandes qui bombardaient les derniers soldats français. Un vacarme épouvantable commença ; obusmitrailleuses, fusillades ! La sainte messe fut dite cependant au milieu de ce combat infernal.

Puis un grand silence se fit vers 7H30-8H00, suivi de grands cris vers 9H00 : c’étaient les troupes allemandes dévalant par la route de Mettet et par la route de Biesme, les Roquettes*3  qui envahissaient la localité.

Du presbytère, nous suivions les allées et venues d’une escouade d’infanterie. Les soldats pénétrèrent dans la sacristie après en avoir fait sauter la porte en criant en allemand que l’on avait tiré sur eux. Sur les négations du pasteur et vu la disparition de toute troupe ennemie, après avoir fouillé l’immeuble et avoir pillé des victuailles, ils emmenèrent le curé à la maison des sœurs françaises. Une ambulance française y était installée avec 8 majors, une vingtaine de brancardiers, algériens pour la plupart. Il pouvait être 10H00 du matin. Les granges de la ferme Anciaux étaient déjà en feu.
Les officiers allemands après avoir entendu les explications du curé, lui permirent de rentrer chez lui et le chargèrent du soin des blessés et des mourants. Entre temps, les soldats pillaient et saccageaient la plupart des maisons. Ils mirent le feu à 65 maisons et si plusieurs furent épargnées ce fut par la présence et l’intervention du pasteur.
Rue Cadet, les soldats défoncèrent la porte de la maison Fesler Marie qui était partie avec sa vieille mère. Cette maison était occupée en partie par Mr Adolphe Denis qui était resté avec sa dame Hizette Léonie. Ils se régalèrent en présence de ces deux personnes et se vantaient qu’ils avaient mis le feu partout : madame Denis effrayée s’enfuit au jardin situé derrière l’habitation. Son mari la suivit, les soldats commencèrent à tirer sur eux et Mme Denis tomba tuée d’une décharge. Mr Denis fut blessé dans le dos et dans le bras gauche. Il en est resté estropié en partie. Ils entraînèrent Mr Denis blessé et le forcèrent à les accompagner dans le village. A l’école des sœurs belges*4  qu’ils brûlèrent. Chez Vital Dautrebande et Joseph Henry, négociants tous deux, ils dévalisèrent complétement les caves et magasins et ils incendièrent l’habitation chez Laventurier Ernest qui fut pillée également. Puis ils emmenèrent Mr Denis au coin de la maison Pircard Antoine où se trouvaient cinq habitants de Mettet et ils menacèrent tout ce groupe de les fusiller. Heureusement, un officier plus humain intervint et ils furent tous relâchés. Mr Denis rentra chez lui. Aidé d’Adolphe Dewez garde champêtre, il alla chercher le cadavre de sa pauvre femme et le mercredi, il put faire procéder à son enterrement religieux. 
Dès le lundi matin, l’église fut occupée par plus de 200 prisonniers français qui furent évacués vers 6H00 du soir à Mettet.
La villa des sœurs françaises avait été convertie en ambulance dès le samedi. Plus de 1300 blessés y furent soignés. On en casa quelques-uns dans les maisons voisines, rue à l’Eau et une bonne vingtaine dans la salle de la confrérie du Saint Sacrement à côté du presbytère. 
Durant la journée, les soldats incendièrent la ferme Anciau, la villa van Delft, la maison Wayens Joseph au pied de l’église. Lorsque celle-ci commença à brûler, le curé qui se trouvait sur le perron du temple interpella un soldat  « au moins, vous allez respecter l’église ? » « Oh oui le vent ne vient pas de là » répliqua le Boche. A deux reprises, les soldats essayèrent d’incendier la maison de Charles Laventurier*5  et ce fut sur les insistances du curé auprès d’un officier, qu’elle fut épargnée ainsi que 3 maisons attenantes.

La villa "les Glycines" appartenant à Edouard van Delft, (sur la place). Les ruines furent abbatues et on y construisit plus tard la maison communale.

Le mardi soir, une trentaine de prisonniers français furent ramenés et enfermés dans l’église où ils séjournèrent jusqu’au samedi matin. Ils furent ensuite évacués sur Biesme.
Ce même jour, 25 août au soir, un soldat vint avertir le curé que le cadavre d’un prêtre, disait-il gisait sur le talus de la route de Florennes au-delà de la chapelle Saint Hubert. Le chef du poste établi à l’ambulance permit d’aller l’enlever le mercredi matin. A côté de ce prêtre se trouvait le corps d’un civil : tous deux étaient complétement dévalisés. Le curé demanda de pouvoir inhumer son confrère inconnu au cimetière, ce qui fut accordé. Déjà la fosse était creusée, les prières de funérailles récitées quand un brancardier ayant fouillé une dernière fois le pauvre mort en présence des personnes qui assistaient à la cérémonie, découvrit dans la poche de sa culotte, sa carte d’identité : le malheureux était l’abbé Berlier de Biesme étudiant en théologie à Tournai. Le pasteur courut au poste et ayant fait comprendre la chose, obtint de faire transporter Mr Berlier dans sa famille à Biesme. On a su depuis que les troupes allemandes en passant dans ce village s’en étaient emparés ainsi que son ami, Mr Camille Bodart de Le Roux, les avaient fait marcher à leur tête et les avaient fusillés tous deux à l’endroit où ils furent retrouvés.
Toute cette journée du mercredi fut employée à l’inhumation des morts français et allemands et à la recherche des blessés. Quelques habitants étant revenus furent employés à cette lugubre besogne. Dans tous les coins, on retrouvait des cadavres, sur la place, à côté des ruines fumantes des maisons Dewez Adolphe*6 et Hubert Henri, aux Roquettes, dans le chemin du bois d’Halloy, le long des murs du cimetière, dans les champs, au trou des nutons : la lutte pour couvrir la retraite avait été chaude et meurtrière. Sur les indications des majors français, plus de 200 cadavres furent inhumés dans l’ancienne sablière Colin à la Couture, les autres un peu partout : des croix furent placées en septembre et octobre 1914 sur ces différentes tombes.
Le samedi matin, des ambulances allemandes vinrent charger tous les blessés qui se trouvaient à Oret. Les derniers soldats du poste partirent le soir et le village avec 65 maisons en ruines et près de 200 habitants en fuite se retrouva livré à lui-même.
Après l’invasion, chaque semaine, des patrouilles arrivaient de Mettet ou de Florennes et perquisitionnaient dans toutes les maisons. 
Les troupes françaises en retraite avaient abandonné des quantités d’armes et de munitions : elles furent recueillies et dirigées sur Mettet.
L’année 1915 arriva. La plus grande préoccupation des autorités supérieures était d’assurer la population contre la faim et la misère. Les comités de secours et d’assistance furent créés et rattachés d’abord au comité de Philippeville, puis de Florennes. 

1922, les élèves devant l'école en ruines qui n'a toujours pas été reconstruite.

Les réunions des œuvres eucharistiques et sociales ne furent jamais interrompues. Suivant les instructions et les exemples de Mgr l’Evêque, de nombreux offices en faveur de nos soldats, de nos morts, pour la patrie, pour nos souverains, eurent lieu dans notre église et les paroissiens y assistèrent en foule.
Comme les écoles des sœurs avaient été brûlées, les enfants des écoles gardienne et primaire furent placés pendant un an dans la salle de l’association. Cette situation ne pouvait durer, le comité de secours obtint du comité national, la réédification pour la section des abris provisoires, d’une salle pour abriter les 2 classes. Le comité de secours créa alors les œuvres du repas scolaire et de la soupe populaire qui fonctionna jusqu’en novembre 1918

 

*1 L'école des garçons: actuellement 6 rue Ry d'Oret              
*2  La Follée : le bois entre le nord du zoning de Mettet et les campagnes d’Oret.  
*3  Les Roquettes: terres et champs se trouvant derrière la Citadelle          
*4 Les sœurs de Pesches qui occupaient l’école sur la place et enseignaient aux maternelles et aux filles. 
*5  la maison à gauche des escaliers qui montent à l’église.
6 actuellement chez Marcel Mondy 
  
           

2. Récit de Sœur Elisabeth d’Oret (A.Ev.N) : 

Du 19 août 14 au 22, passage de troupes françaises.  Nous avons logé beaucoup d’officiers, entre autres, le colonel Hennoque, les capitaines de Chavigny, de Chamerau, Dogniaux, de la Godillère, le Général Ménissier de la 39e brigade de Rennes, les lieutenants Fustier, le Levreur, d’André, de Foucaut, Commandeur Massart, Capitaine Lepetit, le Lieutenant-Colonel Romazotti etc… Et encore d’autres dont je ne sais plus les noms, ayant détruit les papiers où je les avais inscrits suite aux perquisitions continuelles des Boches.
Le 22 au soir, c’était L’exode, dans l’épouvante et l’affolement des habitants des environs, sous la menace de la ruée allemande.

Le dimanche 23 août vers 3H00 du matin, on annonça l’ordre de fuir devant l’arrivée prochaine des teutons qui à la faveur de la nuit avaient beaucoup progressé. 
Pendant que nos pauvres soldats repassaient en hâte devant notre porte (retraite de Charleroi) je suis allée trouver le commandant français installé sur la place pour lui offrir notre maison pour abriter ses blessés. Je les fis conduire chez nous. Puis quand ils furent pansés, on les dirigea sur Florennes. Le soir nous n’en avions plus un seul à la maison*1.
Vers 8H00 du soir on sonne à la grille ; je vais voir, c’étaient 8 officiers français mourant de faim qui nous demandaient un lit et de la nourriture : ils avaient marché pendant 36H00 sans s’arrêter et sans manger. Ils se couchèrent dans les lits des officiers partis le matin, car la nuit précédente nous en avions logé 19. 

Le 24 vers 2 ou 3 heures du matin, on vient encore nous dire de partir*2. Nos officiers obéirent mais, nous restâmes pour accueillir  les blessés et les secourir. 
Vers 8H00 du matin, ils affluèrent, car nous avions alors chez nous les Dr Lannaux et Marnatta, majors en chefs, Dr Génova, Vincent, Porzi, Granger et Bugey de la Croix Rouge qui n’avaient pu rejoindre l’armée en déroute. Je demandai un drapeau de la Croix Rouge pour la grille d’entrée, la bataille de Wagnée faisant rage. Nos sœurs Ste Bathilde et St Anne étaient descendues à la cave ; j’étais resté dans la cour près des blessés avec les Drs Lannaux et Vincent mais à un moment donné, les balles se mirent à siffler autour de nous avec une violence extrême. « Descendons à la cave dit le Dr Lannaux, nous allons être tués sans nécessité ». A peine descendu, les balles tombèrent dur comme la grêle dans la cour, quelques obus s’y mêlèrent sans cependant causer de dégâts car ils n’explosèrent pas. Le tir fut bientôt rectifié pour être dirigé vers nos soldats en retraite sur la route de Rouillon à Stave.
Une petite accalmie se produisit, alors le major et moi, nous remontâmes près des blessés qui étaient plus morts que vifs.
Peu après, vers 4H00 je crois arrivèrent les premiers Boches devant notre maison. Une bande pénétra dans la cour baïonnette au canon et le chef revolver au poing. Leur aspect me fit penser que c’en était fait de nous. « Major m’écriais-je, les allemands ! ». Il s’avança vers l’officier Boche qui demanda ce qu’était notre maison. « Il faut mettre une croix rouge au paratonnerre car nous allons bombarder le village ! dit-il ». Le bombardement commença, mais il était plutôt dirigé sur les troupes en retraite. Quand il fut terminé, les boches revinrent chez nous et demandèrent après le bourgmestre. Quand je leur eus dit qu’il était parti, alors nous sommes les maîtres dirent-ils.
« Qu’allez-vous faire ? dit alors le Major ». 
« Incendier le village en commençant par cette ferme » répondirent-ils en montrant la ferme Dejonghe : Ce qu’ils firent ».

Dans la soirée, Adolphe Denis vint demander si nous avions des nouvelles de sa femme disparue depuis l’après-midi. Nous ne l’avions pas vue.
Le lendemain matin, on vint me chercher (Jules Harnoulle) pour l’ensevelir : on venait de la retrouver tuée dans le jardin voisin du sien. Comme je m’y rendais, je me trouvais arrêtée par une bande d’officiers allemands qui barraient le chemin. Parmi eux se trouvait le Dr Marnatta : « Où allez-vous ? » me dit-il. Je le lui explique. « Retournez vite chez vous, allez prévenir vos sœurs, nous allons être tous fusillés ! Voilà ce qu’ils viennent de décider ! » me dit-il. Le Danger que nous courions m’avait électrisée. « Ils nous accusent d’avoir tué un soldat qui est dans cette grange » me dit le major. « Soldats et civils vont y passer ! »  Il y avait déjà quelques hommes placés contre le mur de Migeotte qui attendaient l’exécution et le village devait être entièrement incendié après.
Alors sans perdre mon sang froid, je leur ai nommé les quelques habitants restés au village et incapables de manier une arme qu’on n’avait plus, puisque tout avait été ramassé. Je leur ai dit qu’on avait mis ce soldat dans la grange pour que les chiens n’y touchent pas, puisqu’il n’y avait personne pour l’enterrer. Je ne sais comment ils firent pour prendre cela en considération, ni si ce fut cela mais nous ne fûmes pas fusillés et le village ne fut qu’à moitié incendié.

Nous avons reçu 1200 à 1300 blessés dans notre maison. Du 24 au 29 août 1914, à cette date, les boches enlevèrent tous les blessés qui restaient. 450 à peu près. On fit venir des voitures de Châtelet. Nos pauvres Majors, à qui on avait donné l’espérance de les rapatrier furent également emmenés. C’était navrant de voir partir les blessés ; ils pleuraient comme des enfants. Que c’était triste !

Autre détail concernant un blessé ramassé le jeudi ; il était étendu sur le bord d’un talus avec 5 blessures. Des Boches passant dans un chemin de terre l’aperçurent. Que firent-ils ces bandits ? Ma plume hésite à l’écrire. Ils traînaient un canon avec eux ; ils le hissèrent sur le talus où agonisait notre pauvre soldat, et le voyant encore en vie, ils firent passer une roue du canon sur son corps, son épaule fut alors broyée, puis voyant qu’il respirait encore, une des brutes lui tira un coup de revolver qui lui broya la mâchoire. Lorsque les ambulanciers français le trouvèrent, il était à demi-mort. Mené chez nous, il fut pansé. C’était un volontaire de 19 ans de Charleville. « Oh ma sœur, me disait-il, je guérirai n’est-ce pas, il faut que je guérisse pour aller défendre la France envahie, je veux finir mon temps ! » Je ne sais pas ce qu’il est devenu, car les boches l’emmenèrent le samedi.»

Couvent des sœur françaises d'Oret Sœur Elisabeth 

*1 : le dimanche soir tous les blessés sont donc évacués.
*2 : A ce moment, les Français sont au courant de l’ordre de repli général. 

Complément de récit de sœur Elisabeth retranscrite par une sœur d’Ermeton le 26 janvier 1920 :

« Je suis allée à Oret et j’ai vu la sœur Elisabeth qui m’a transmis les quelques renseignements suivants : le 23 août, les troupes françaises avaient réussi par 2 fois à repousser les Allemands. Les sœurs avaient pu suivre les péripéties de la bataille. La trahison d’un Belge qui indiqua aux Allemands des sentiers connus pas les seuls gens du pays permis à contourner les Français, en passant par Gerpinnes et Fromiée. La retraite française s’exécuta alors très rapidement. 
Le général Menissier de la 39e brigade de Rennes vint aussi à Oret.
Le 23 août, les blessés français, la plupart algériens furent emmenés à la maison des religieuses françaises de la communauté de ND de bon secours de Charly sur Marne, à la demande de sœur Elisabeth quoiqu’elle n’ignorait point les dangers qu’elle courait, la maison n’ayant point la croix rouge. Plus de 1200 blessés français et allemands y furent soignés. Grâce au sang-froid de Sœur Elisabeth, elle tint tête aux officiers allemands étonnés et soupçonneux de trouver là des blessés français et obtint d’eux l’égide de la Croix-Rouge.
La sœur Elisabeth fut témoin des ordres donnés pour l’incendie du village : elle vit les soldats allemands alignés et l’officier commanda alors le jet de grenades incendiaires. Il était resté à Oret 14 habitants, les autres avaient fuis. (……..) 
Il y eut 1200 soldats tués à Oret. Le plus grands nombre des Allemands.
Pendant 2 jours, aucune nourriture ne fut donnée aux blessés français soignés chez les sœurs. Le 3e jour, les Allemands leur apportèrent une soupe. Tous les soldats en ayant mangé en furent malades, saisis d’une terrible dysenterie.

 

3. Récit d’Alphonse Denis :

« Le 24 août dans la matinée, 4 uhlans se montrèrent à Oret. Arrivés en bas de ma rue, la Ruelle Cadet, 2 d’entre eux furent tués par un soldat français caché  à cet endroit. Les 2 chevaux ne furent pas atteints, l’un s’enfuit vers la station, l’autre sur le chemin qui va à Florennes. Les 2 survivants entrèrent chez moi, me demandèrent si je ne cachais pas des Français, me firent descendre à la cave pour s’en assurer avec eux, puis ils sortirent en me défendant de sortir de chez moi et se dirigèrent vers la gare.

Uhlan allemand en tenue de campagne

Quelques heures plus tard vers 2 ou 3 heures, les troupes allemandes arrivèrent  et se mirent en devoir d’enfoncer les portes, de piller les maisons et d’y mettre le feu. Les soldats entrèrent chez moi, prirent tout ce qu’ils purent trouver ; les provisions de bouche, le champagne et le bordeaux de ma cave que je venais de faire revenir pour ma femme qui était malade. Puis ils me dirent qu’ils allaient brûler ma maison. Alors ma femme prenant un gros mouton apprivoisé que nous avions sorti pour le mettre dehors, je sortis avec elle : nous nous dirigions vers le bas de mon pré lorsque je reçus une balle dans le bras gauche et une autre dans les reins. Au bruit de la décharge, le mouton pris peur et nous échappa. Ma femme Léonie Hizette courut pour le rattraper, j’entendis alors une seconde décharge que je supposais être dirigée contre ma femme. Ce qui était vrai comme je le constatai le lendemain. Quant à moi, ils me firent prisonniers et m’emmenèrent avec eux, mes habits en lambeaux et tout maculés de sang. Ils me conduisirent à la fontaine du bas de la rue et me firent boire deux gobelets d’eau. A ce moment, un Français caché dans un four, en face de la fontaine, abattit l’officier boche qui voulait me faire boire une troisième fois. Les Allemands accusèrent aussitôt les civils de ce meurtre. En ne me laissant aucun répit, ils m’emmenèrent encore avec eux perquisitionner à l’école des filles pour voir s’il n’y avait pas de Français, puis chez le marchand Vital Dautrebande*1 et me firent remonter tout le vin contenu dans la cave. Ils me conduisirent encore dans les maisons de Jacques Hubert, de Joseph Henri où ils renouvelèrent leur scène de pillage et d’incendie. Puis ils me reconduisirent chez moi. 
En y arrivant, ils s’arrêtèrent avec le garde qui se trouvait là et burent le vin qu’ils avaient volé chez Dautrebande, puis ils redescendirent m’emmenant encore avec eux jusque la maison d’Octave Migeotte. Ils avaient placé à cet endroit 6 civils de Mettet, entre autres Moreau le meunier. Ces civils étaient gardés par des soldats qui leur tenaient la baïonnette sur la poitrine. Ils me joignirent à eux et l’un des officiers présents me dit : « tu seras fusillé cet après-midi sur la place d’Oret ». «  Que t’ai-je fait pour être fusillé » dis-je à l’officier ?  Il s’en alla sans me répondre.
Nous sommes restés là peut-être 2 ou 3 heures dans l’attente. Tout à coup, nous entendons le galop de 3 chevaux, qui en peu d’instant furent près de nous. Les 3 cavaliers descendirent de cheval. L’in d’eux s’avança vers nous en criant « votre roi est un lâche et vos ministres sont aussi lâches que lui ». Puis il demanda du papier à un soldat, il écrivit quelques lignes dessus, le remit aux prisonniers civils de Mettet en leur enjoignant de retourner chez eux par le chemin qu’ils avaient suivi en venant d’Oret. Puis il me remit le même papier en me disant de retourner aussi chez moi. Arrivé près de la garde qui se trouvait chez moi, je lui remis le papier de l’officier ; ces soldats ne voulurent pas l’accepter et me firent de nouveau prisonnier. Ils m’enfermèrent toute la nuit dans la maison de Joseph Mathieu où j’étais gardé à vue. Enfin dans la matinée, je fus relâché. Je me rendis alors au château des sœurs françaises transformé en ambulance : je demandai si on n’avait pas vu ma femme. Vu la réponse négative qui me fut faite, j’allai demander à Adolphe Dewez, garde champêtre de venir avec moi à sa recherche ; nous la trouvâmes tuée dans le jardin d’octave Migeotte. L’ayant ramenée chez moi, j’envoyai chercher Sœur Elisabeth qui vint aussitôt pour l’ensevelir. La balle avait traversé la poitrine et la colonne vertébrale. La sœur avait amené avec elle le Dr Vincent qui se trouvait à la Croix-Rouge. Il me fit un premier pansement puis revint les jours suivants. Le Dr Piérard de Morialmé continua à me soigner après le départ de l’ambulance.
J’ai vu bien des fois Julien M... de Biesme se promener en auto avec les boches et leur indiquer bien des choses, en leur donnant les renseignements nécessaires. »

*1 : Sur la place actuellement n° 3/A

Magasin Vital Dautrebande-Barthélemy sur la place d'Oret Adolphe Dewez, garde champêtre en 1914

 

4.  Témoignage  selon Alphonse Hanoul, qui nous fait vivre en direct l’incendie du village d’Oret :

Le 24 août 1914, jour d’entrée des Boches dans notre petit village d’Oret, nous étions réfugiés chez Mr la curé avec ma femme et mon fils de 18 ans. A l’arrivée des Allemands vers 9H00 du matin, nous étions dans la cave avec Mr le curé, ses parents, ma femme avec mon fils et ce qui nous a sauvés : le très saint sacrement que Mr le curé avait exposé près de nous à la cave. 
Quand nous avons entendu le bruit des bottes sur la devanture de la maison, aussitôt la porte est enfoncée à coups de hache. Monsieur le curé est remonté, il a été aussitôt conduit à la Croix-Rouge*1, les mains levées, auprès du commandant. Monsieur le curé n’était pas encore en haut de l’escalier de la cave, qu’il arrivait 3 ou 4 soldats nous trouver auprès du Saint Sacrement. Ils nous ont dit « pas de Français » « pas fusiller », ils nous enlèvent 3 ou 4 pains, du beurre et nous disent de rentrer.
Grande surprise en arrivant sur la porte d’entrée, nous vîmes tout le village en feu ; c’était triste à voir. Dans la cour de la ferme Dejonge*2, les chevaux et les cochons se sauvaient des flammes et on voyait ainsi les maisons brûler les unes après les autres après que les boches y mettaient le feu. Ainsi nous sommes arrivés près de la maison de Charles Laventurier  où ils avaient mis le feu à un coffre rempli de linge au milieu de la maison. Mr le curé a demandé au commandant de faire éteindre ce feu vu que les blessés étaient en danger. Il a fait éteindre le feu par les prisonniers qui étaient dans l’église. Monsieur le curé a demandé aussi d’éteindre le début d’incendie chez Joseph Wayens*3 qui commençait à brûler ; le commandant a dit « non, le vent n’est pas de ce côté, il faut la laisser brûler ! »
Je me trouve dans la cour de Mr le curé lorsqu’un officier allemand vient me demander de le conduire où il y avait de l’eau pour faire boire ses chevaux ; je me rends au plus près car il m’accompagne revolver à la main, je le conduit à l’abreuvoir chez Mr Anciaux, où il y avait de l’eau plein le bac rempli de morceaux de pain. Il voulut me faire boire avant de faire boire ses chevaux. J’ai voulu faire celui qui ne comprenait pas mais toujours revolver sur la poitrine, à la fin, il me laisse la liberté de retourner, mais malchance en remontant l’escalier de l’église, il y avait une sentinelle qui me tint lié à travers le corps, de 15 à 20 minutes, enfin il me fait retourner toutes mes poches et me rend la liberté. Je ne suis plus sorti ce jour tellement j’avais été effrayé. Ce soir, grande surprise de voir entrer chez Mr le Curé, Adolphe Denis avec la manche de son veston liée avec une corde pour empêcher de saigner. Il me raconte que les boches l’ont fait circuler dans tout le village après lui avoir tiré 2 balles dans le bras. Ma femme lui coupe la corde et ce n’était qu’un éclat de sang. Mon fils lui fit un pansement et lui dit d’aller trouver de suite le docteur. Mr Denis réclamait toujours sa femme : le lendemain, il trouva sa femme lâchement assassinée par les Boches dans son jardin. Ma femme et Sœur Elisabeth sont allées la coucher sur son lit de mort. Ce furent de tristes jours ! »

*1 : Au couvent des sœurs françaises
*2 : Ferme au bas de la rue du cimetière
*3 : Maison au pied de l’église : 15 rue ry d’Oret

 

5 : Récit de Palmyre Petit : Les maisons incendiées au son de la musique !

« La bataille du 24 commença vers 3h00 du matin et dura jusqu’en 8H00, ce fut un bombardement effroyable. Puis nous vîmes les Français battre en retraite. Vers 8H30 l’armée allemande faisait son entrée dans Oret en pillant et en brûlant tout. Je les ai vus piller le magasin de Joseph Henri, situé en face e la maison où je m’étais réfugiée avec mes enfants, puis le brûler ensuite au son de la musique, ils incendièrent l’un après l’autre toutes les maisons de la place communale ».  

C'est au son de la fanfare que les maisons bordant la place d'Oret furent incendiées

 

6 : Souvenir de Léon Remy, fils de l’instituteur Hilaire Remy pendant la première guerre mondiale (Fd. P) :

Le passage des troupes françaises :
De mes yeux d’enfant, je revois très bien les cuirassiers qui traversèrent le village d’Oret, rutilants sous le soleil du mois d’août avec leurs casques et leurs cuirasses. Ces cavaliers se dirigeaient vers Farciennes et criaient à tue-tête « vive la Belgique », un officier qui avait logé chez nous dit à mon père « ils ne savent pas vers quoi ils vont, ils seront tous sacrifiés »  et ce fut la vérité ! Je me revois aussi jouer avec un soldat qui m’expliqua qu’il avait un fils de mon âge, cet homme avait laissé son adresse, mais  nous apprîmes qu’il fut tué aussi dans les combats. 

 

L’exode : 
Avec notre famille, nous quittâmes le village avec un chariot et deux chevaux pour éviter les combats. Nous avions des chevaux, car nous possédions une sablière : un héritage du grand-père. Nous nous sommes enfuis  jusqu’à Rièzes près de Chimay mais là, nous avons été rattrapés par les Allemands et mon père décida de rentrer au village.

Le retour au village :
Lorsque nous découvrîmes le village ce fut la consternation : le village avait subi la razzia ! Notre maison était brûlée, quelle désolation ! Nous avons dû aller chercher des fougères dans le bois afin de faire des matelas de fortune, je me souviens d’avoir dormi dans un bac à pain. 
La famille Lavy qui habitait la minuscule maison derrière l’école nous accueillit une huitaine de jours, ensuite Jacques Hubert (le grand-père de Flore qui habitait au même endroit que celle-ci) notre cousin nous loua deux pièces ; une en bas, une à l’étage en attendant de récupérer notre maison du Tienne de Biesme qui était occupée par des locataires.
Je me souviens que pendant la guerre, enfants, mes camarades et moi allions jouer dans les ruines des maisons brûlées.
En 1915, Hilaire Remy mon père acheta la maison au pied de la ruelle Cadet, nous y avons habité toute la guerre. 
En 1918 les Allemands avaient installé un canon derrière cette maison et un officier allemand vint loger chez nous. Il était assez correct, c’était un ancien instituteur. 

Maison d'Hilaire Remy achetée en 1915. A droite, Léon et Hilaire Photo de classe réalisée en 1918 pour "L'oeuvre des repas scolaires"

Les pommes de terre :
Afin d’éviter la réquisition par l’ennemi, Hilaire Remy, mon père, avait caché sa réserve de pomme de terre sous l’estrade de l’école, aussi lorsqu’il allait le matin allumer le feu avant la classe, il traversait la rue avec sa charbonnière. Après avoir allumé le feu, il retournait au domicile en ayant préalablement placé quelques précieux légumes cachés sous un peu de cendre dans le récipient.

La fin de la guerre : 
Lors de la débâcle allemande, ces derniers repassaient en direction de l’Allemagne avec des troupeaux de vaches et de chevaux. Les Allemands faisaient boire les animaux  au bac (anciennement situé près de l’école des garçons), c’était surtout des prisonniers russes qui conduisaient les troupeaux de vaches.
Lorsque les Teutons furent repartis en Allemagne, des soldats Australiens vinrent s’installer dans l’école. 

Ce n’est qu’en 1923, après la restauration du bâtiment, que notre famille retourna vivre dans notre maison. 

Personal-Ausweis d'Hilaire Remy

Enfants jouant dans les ruines de maisons incendiées

 

Sœur Elisabeth
Témoignage de Jh Henry, bourgmestre ff pendant la guerre :

 

« La Sœur Elisabeth de la communauté ND de Bon Secours, a rendu de grands services pendant la guerre :
En août 14, elle est allée offrir sa maison pour y déposer les blessés des combats de Biesme, Wagnée et Oret. Elle a soigné 1200 à 1300 blessés au rapport du major en chef, docteur Lannaux, aidée des docteurs Marnatta, Génova, Vincent, Porri, Bugey et Granger qui ont été faits prisonniers chez les sœurs françaises et emmenés en Allemagne.
Le 25 août, elle a défendu la cause des habitants d’Oret qui devaient être fusillés ainsi que les soldats fançais : il y avait déjà 6 civils de Mettet collés au mur qui attendaient le moment fatal. Le village devait être détruit après l’exécution des habitants. Ce projet ne fut point exécuté et le major Lannaux déclara que la sœur avait par son énergie et son sang-froid, sauvé les habitants de la mort et le village de la ruine.
Elle a soigné un soldat français prisonnier et évadé, Maurice Tichon, qui arrivé mourant à Oret se tenait caché dans les ruines d’une maison incendiée sur la place. C’est là que malgré la présence et la menace de l’occupant, la Sœur Elisabeth est allée le soigner jusqu’à sa guérison.
Jusqu’en juin 1915, des Français cachés dans les bois pour ne pas se rendre à l’ennemi, vinrent chez les sœurs chercher les provisions qui leur étaient indispensables : provisions recueillies pour eux.
Au 15 juin, l’ennemi s’étant emparé de la maison des sœurs pour leur Kommandantur, les Français ne pouvaient plus y venir. Alors la sœur Elisabeth, s’est mise à quêter toute les semaines pour eux, puis elle leur portait dans une maison à l’écart, chez Joseph Lambert tout ce qu’elle avait pu ramasser. Elle a fait seule ce manège pendant 18 mois bravant les menaces de l’occupant. 
Elle a soigné un soldat belge blessé et évadé : il venait à la nuit dans une maison où la sœur allait le panser et cela jusqu’à sa guérison. 
Elle a favorisé le passage à la frontière en conduisant un grand nombre de prisonniers évadés chez Joseph Lambert qui les abritait et leur donnait leur itinéraire pour rejoindre  les armées alliées.
En 1918, elle secourut 100 prisonniers français amenés à Florennes en quêtant pour eux et leur portant tout ce qu’elle pouvait ramasser. 
Tous les habitants d’Oret son prêts à attester ce qui précède »
Joseph Henry, Janvier 1919 

Maurice Tichon écrit une lettre aux Oretois qui l'ont abrité pendant ses heures de détresses.  Joseph Lambert 1854-1934

Maurice Tichon vers 1950 revenu à Oret.

​A gauche Maurice Tichon, son épouse et son  fils, à droite Philippe Bastin et Germaine Degraux d'Oret

En 1935, Pour les services rendus à la France sœur Elisabeth sera décorée de la croix de la Légion d’Honneur à la maison communale et devant tous les habitants  par le Consul de France :

« Ma sœur, vous avez bien mérité de la patrie. Au nom du président de la République, je vous nomme « Chevalier de la Légion d’Honneur ».
« Il épingle le bijou et lui donne l’accolade pendant que les enfants chantent la Marseillaise »