Les événements d'août 1914 à Fosses-la-Ville

Les événements d'août 1914 à Fosses-la-Ville

Les premiers soldats français apparaissent à Fosses-la-Ville le 15 août 1914 comme en témoigne Mr le Doyen Crepin, les troupes traversent la ville sans s'arrêter:

Le samedi 15 août 1914, nous vîmes arriver les premiers dragons français. Jusqu'au vendredi 21, rien d'anormal, à part évidemment une recrudescence d'activité et un va-et-vient continuel des troupes.          

Les premières troupes françaises arrivent à Fosses-la-Ville      

Fonds Comité du Souvenir de Le Roux / D.Tilmant

Les Dragons descendant la rue de la Gare à Fosses-la-Ville vers le 15 août      

Source G.Gay la bataille de Charleroi 1937

 

Le passage du corps de cavalerie Sordet Cliquez sur l'image pour découvrir l'article

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Arrivée de la 19e division par Saint-Gérard

L’abbé Marion concernant les jours qui précédèrent la bataille :

Le 19 [et le 20], arriva le 48e régiment d’infanterie de Guingamp de Bretagne qui passa la nuit à St-Gérard. Le Colonel de Flotte passa la nuit chez Morimont .

Le Château Morimont à St Gérard où fut accueilli le 19 et le 20 août,

le Colonel de Flotte, commandant le 48e régiment d'infanterie

Le Lieutenant Peiffer écrira sa dernière lettre à St Gérard.

Il sera tué à Ham-sur-Sambre le 22 août 1914 

Cliquez sur l'image pour découvrir la "fiche personnage"

Le 21 août, la 19e division, dont le 48e RI de Guingamps arrivent à Fosses. A 7H00 ce régiment se met en cantonnement d'alerte.

A 17H00 le régiment quitte Fosse pour se porter dans la direction du nord.
18H00 le 3e bataillon à l'avant garde doit s'établir aux avants postes sur le plateau d'Arsimont
19H00 le 1er bataillon se porte sur Arsimont pour servir de repli éventuel au 71e RI. Le 2e bataillon en réserve à 2 Km N.O de Fosse;
19H30 la 9e compagnie attaque Ham-sur-Sambre. Son capitaine est blessé. La compagnie se replie au sur du village;
23H00 le 1er bataillon est ramené avec le 2e au bivouac à 1Km Nord de Fosse.

Source Journal de Marche du 48e RI

 

Mr le Doyen Crepin :

Le 21, je reçus l'état-major du 48e régiment breton."Sur 608 soldats, 604 ont communié avant de partir", me dit le colonel, et il me demande la bénédiction ou le salut pour 6h00 du soir.
La canonnade dure toute la nuit dans la direction de Tamines; on nous amène des blessés; tous s'encombrent de plus en plus: on avait établi des ambulances au couvent des soeurs Sainte-Marie, dans la maison des Soeurs de Saint-Martin et au château Destrée par les soins d'un comité local.
Le samedi 22 août, vit fuir la majorité des habitants de Fosses, les autorités civiles et médecins de la commune.
Couvent Saint-Martin Château Destrée
Le couvent ou plutôt l'école / pensionnat des soeurs Sainte-Marie est visible devant la collégiale Vue ancienne de Sainte-Marie

La foi et la piété des soldats français avant le combat:

Selon un témoignage conservé aux Archives de l'Evêché de Namur

Colonel de Flotte

Des troupes arrivèrent le dimanche 15 août, accompagnées par un aumônier (militaire), le Marquis de Cissey, porteur du Saint-Sacrement qu'il dépose dans letabernacle. Il chanta le soir au salut et fit une allocution à une trentaine de cavaliers français.

Le mercredi, à la messe et au salut à la chapelle St-Roch, on remarqua la présence et la piété de nombreux officiers et soldats dont plusieurs accompagnèrent le st-sacrement à son retour à l'Église collégiale.
Le jeudi 20 août, la ville est pleine de soldats français. De nombreux officiers se confessent à Mr le Doyen, dans l'après-midi, non loin de la place du marché, dans la rue Al Val. De nombreux soldats vont se confesser à l'église auprès de Mr l'abbé Joie.
Le vendredi 21 arrivée du 48e régiment d'infanterie breton, en garnison à Guingamps. 
Au cours du déjeuner de l'état-major à la cure, le colonel de Flotte déclare à Mr le Doyen que sur 508 soldats, 504 ont communié avant le départ de Guingamps. Pendant le repas, cinq officiers se confessent à Mr le Doyen dans le salon. Le colonel demande la bénédiction pour 6h00 du soir, mais à 16H00, il reçoit l'ordre de partir au combat.
Chaque jour, il y eut des communions de soldats et d'officiers. La plupart des soldats vinrent eux-mêmes demander à Mr le Doyen des médailles de St Feuillen et montraient joyeusement chapelets, médailles, scapulaires.
Un détail: Quand le Doyen annonça à l'état-major du 48e l'arrivée de l'aumônier (militaire français) de Cissey, nommé officiellement "aumônier", les officiers ne voulurent d'abord pas y croire, et finalement, le colonel de Flotte s'adressa à ses officiers: "et bien Messieurs, si la guerre a forcé Briand à faire ce geste, la guerre a déjà du bon. Acceptons l'augure de jours meilleurs pour la religion chez nous en France !

 

 

Les 21 et 22 août les journées d'enfer : 

 

Extraits du journal de marche de la 38e brigade (41e et 70e RI) :

Le 20 août:  la brigade vient cantonner à Fosse, couverte de Floriffoux à Tamines par 2 bataillons du 41e et 1 bataillon du 70e qui occupent les ponts de la Sambre.
Le 21 aout: Vers 10H00 une 1ere tentative est faite par l'ennemi au pont de Tamines et repoussée. Un peu plus tard une tentative plus sérieuse au pont d'Auvelais est également repoussée.
vers 12H00, une colonne ennemie est signalée marchant de Jemeppe sur Auvelais.
Vers 14H00 le combat devient très violent, le village et le pont d'Auvelais sont criblés de projectiles (artil. lourde) et vers 19H00 le Lt colonel du 70e RI croit devoir abandonner les positions, reporter la défense en arrière et demander du secours. 
Le général de brigade envoi le bataillon de réserve de Taravisée....
Vers 17H00 la ligne française a lentement reculé vers le pied des pentes d'Arsimont...
Pendant la nuit la ligne est reportée sur la ligne Bois de Ham/Aisemont
22 août: on tente de reprendre la boucle d'Auvelais par des actions successives...non seulement la boucle n'est pas reprise mais vers 17H00, la division qui a été toute entière engagée, découverte sur son flanc gauche par le recul de la 20e division, se retire et se porte sur la ligne Vitrival/ Haut-Vent/ Try al Hutte (soit au sud de Fosses)
L'ennemi ne poursuit pas. Le 41e est à l'est* de la route de Fosse-Bambois, le 70e à l'ouest*. Des tranchées sont exécutée pendant la nuit de façon à tenir ferme contre toutes attaques venant à se produire le lendemain matin.
23: à 4H00 ordre de retraite sur Stave par St Gérard...

*Lrégiment doit battre en retraite de part et d'autre de la route principale car celle-ci est encombrée de convois dblessés

 

22 aout, journal de marche du 48e RI, le Colonel de Flotte est tué et à 17H00 c'est la retraite : 

4H00 le régiment reçoit l'ordre de se porter sur les bords de la Sambre pour s'opposer au passage des Allemands et attaquer vers Arsimont

7H30 le Colonel de Flotte est blessé d'un éclat d'obus au début de l'attaque et est atteind de nouveau de plusieurs balles mortellement cette fois.

17H00, le régiment reçoit l'ordre de se retirer du  champs de bataille et de se retirer par Fosses sur St-Gérard.

Août 1914, le 48e régiment d'infanterie au repos à Fosses-la-Ville

Source G. Gay La bataille de Charleroi 1937

Août 1914, artillerie française à Auvelais

Fonds Comité du Souvenir de Le Roux / D.Tilmant

Journal de marche du 70e RI 
le 20 août:
 à 12H00 L'E-M et le 3e bataillon atteignent Fosse où il y cantonne. Le 1er et 2e Bataillon cantonne à Vitrival. 
A 17H20 le 2e bataillon reçoit l'ordre de partir immédiatement pour Arsimont pour parer à une attaque possible de l'ennemi qui approche des ponts de la Sambre.
21 août:
4H00 le 1er bataillon est au château de Taravisée. Le 3e bataillon est à Fosse. Un groupe central est à Arsimont (2e batillon et 1 section de mitrailleuse)
Entre temps, l'attaque se dessinait avec une soudaine violence à Auvelais...
20H39 ordre de se replier sur Fosses
22 août
Le régiment se reconstitue à Fosse
A 17H00, en présence de l'offensive de l'ennemi qui marche sur Aisemont, le régiment se porte sur le plateau à 2Km au sud de fosse et s'y retranche
vers 17H00 le 70e RI qui à attaqué sur Arsimont,  doit battre en retraite vers Bambois afin d'éviter la route d'Arsimont à Fosses qui est encombrée de convois de blessés
 
Les soldats du 2e régiment de marche des Tirailleurs Algériens arrivent à Fosses-la-Ville le matin du 22 août 1914

Journal de marche du 2e tirailleurs algériens:

Nuit du 21 aout: marche de nuit d'Yves Gomezée vers Fosse.
22 août:
Traversée de Fosse; rassemblement du régiment à la crète au nord de Fosse (au sud du bois de Hain)
Vers 12H00 le régiment reçoit l'ordre de se porter en avant pour soutenir la retraite du 2e zouave engagé sur la Sambre.
à 17H00 le régiment reçoit l'ordre de se replier sur Fosse. Retraite par Fosse sur St Gérard. 

Arrivée à St Gérard à 22H00. En raison de la nuit et de l'encombrement extrême qui empèche de pénétrer dans le village, le régiment bivouaque le long de la voie ferrée à l'entrée du village

Le journal de marche du 3e tirailleurs algériens nous fait prendre conscience de la mauvaise position des troupes à Fosses: c'est l'encombrement total et les Allemands poussent l'attaque en soirée:

Le mouvement ordonné est entamé à 17H00. Le 3e tirailleurs est en queue de colonne; il est retardé pendant près de 2 heures à l'intérieur du village de Fosse par des encombrements de troupes et de convois.
Vers 19H00 à la sortie de Fosse, le 3e zouaves est attaqué; le 3e tirailleurs est disposé en soutien...
L'attaque ennemie est repoussée, le 3e tirailleurs est rassemblé à 23H00 à Devant-les-Bois.

 

Les témoignages suivants nous fait découvrir que la ville de Fosses est évacuée le 22 après 17H00 dans la plus grande précipitation par les troupes françaises . Les blessés français laissés dans la ville de Fosses sont sans médecin. Seules quelques civils et religieuses se chargent de secourir ceux-ci. Le 23 à 7H00 du matin, les premiers éclaireurs allemands entrent dans Fosses et incendient quelques maisons.​ Vers 7H45, ils déclenchent une fusillade qui sème une grande panique chez les blessés français. Le doyen n'est averti  qu'à 16H00 que des blessés sont laissés à leur triste sort à l'école communale. 

 

Les soins aux nombreux blessés français organisés par la population de Fosses :

Récis d'un témoin (archives de l'Evêché de Namur)

Aussitôt la guerre annoncée, diverses personnalités sans distinction de parti, veillèrent à l'organisation des secours au profit des nécessiteux de la ville et des blessés qui pourraient nous être amenés.
Des réunions se tinrent à l’hôtel de ville, un comité d'action fut nommé avec comme président Mr le juge Jacquanricot (...)
Des médecins civils de la commune aménagèrent des salles d'hôpital au couvent des soeurs Ste Marie, au couvent des sœurs St-Martin et à la maison Biot sur la place du marché.
Lors de l'arrivée des troupes françaises, Mr le Doyen apprit que bon nombre de soldats avaient les pieds en plaie; il afficha un écriteau annonçant que des soins leur seraient donnés au couvent des sœurs françaises; plus d'une centaine se présentèrent
Dès le vendredi 21 août, les salles préparées pour les blessés devinrent insuffisantes et l'on vit affluer les blessés aux 2 couvents, à la maison Biot ainsi que dans les locaux des écoles moyennes et des écoles communales.

 

Ecole communale Saint Feuillen sur la route de Taravisée Les écoles moyennes sur la route de Haut-Vent

Malgré l'évacuation faite par le train de Fosses vers Mettet et Florennes, les blessés devinrent de plus en plus nombreux le samedi. Le dernier train d’évacuation partit de fosses vers 3H00 de l'après-midi. On nous annonça, sur la place du Chapître, l'évacuation complète des écoles.
C'était vrai pour les écoles moyennes, mais c'était faux pour les écoles communales, comme nous l'aperçûmes le dimanche 23 après-midi.
À partir de lundi matin, les blessés au nombre d'environ 350, occupèrent: le couvent des sœurs Ste-Marie, la grande salle des fêtes, le réfectoire des élèves, quatre classes, une salle de récréation, 
le couvent des sœurs St-Martin: poste d'interventions chirurgicales, dans la véranda, trois salles au rez-de-chaussée, trois salles à l'étage, les sous-sols, les greniers d'une buanderie.
Le château Destrée: deux grandes salles au rez-de-chaussée environ, une dizaine de chambre à l'étage, sous la direction d'une des sœurs de la charité de St-Martin
La maison Biot: grande salle à vingt lits, sous la direction de deux sœurs franciscaines françaises laïcisées.
La grande salle du Cercle Catholique; le rez-de-chaussée du presbytère; le rez-de-chaussée des maisons vicariales.
Le dévouement aux soins des blessés fut admirable de la part des religieuses, des infirmiers et infirmières improvisés qui les aidèrent généreusement la nuit et le jour
On a eu à regretter le départ des trois médecins civils de la commune, dès le samedi 22 août, il est vrai que tous trois avaient charge de famille.
Aucun des médecins de l'armée française ne resta avec les blessés.
On suppléa le mieux possible au manque de médecin pendant les premiers jours.

 

Extrait du journal de marche de la direction du service de santé de la 19e division:

20 août: Départ de Florennes à 7H00, arrivée a Fosse à 10H30

Le 21 et le 22 août 1914, cette route sera encombrée de convois de blessés français évacuant vers la gare, pour retraiter par la voie ferrée vers Mettet et Florennes.

Le dernier train de blessés quitte Fosses le 22 août à 17H00 au milieu de toutes les troupes qui retraitent du champ de bataille dans la précipitation

21 août: Combat sur la Sambre. Les formations sanitaires de la division s'installent sur mon ordre à l'ambulance 3 à la sortie de Fosses dans la direction d'Arsimont
L'ambulance 2 à la sortie ouest, à l'école moyenne. De plus le Comité de la Croix-Rouge avait mis à ma disposition par l'intermédiaire de son directeur, le Dr Bauliez, à qui je m'étais adressé, tous les lits qu'il avait installés dans les institutions Ste-Marie et St-Martin ainsi que dans des maisons particulières.
Les blessés ont commencé à arriver vers 18H00, tous pansés dans les postes de secours. Beaucoup ne pouvant atteindre l'ambulance 2 furent arrêtés par moi et logés dans des maisons tout le long de la route d'Arsimont. Le relèvement se fit dès la tombée de la nuit et continua jusqu'au jour. Tous les blessés étaient dirigés sur une des ambulances ou sur les établissements de la Croix-Rouge à qui j'avais donné le personnel nécessaire.
22 août à la première heure je faisais diriger de nombreux blessés sur la gare de Fosse.
Le combat repris dans la matinée et à partir de 9H00 les blessés affluent de nouveau.
Les ambulances les reçoivent jusqu'à vers 15H00 continuant à diriger sur la gare les moins atteints. A ce moment, le mouvement de retrait s'accentuant, je prescris un médecin-chef des 2 ambulances de prendre toutes leurs dispositions pour se porter, le cas échéant, rapidement en arrière. A partir de ce moment, tous les blessés arrivants du champ de bataille étaient dirigés sur la gare d'où un dernier train sur Florennes devait partir vers 17H00, le chef de gare en avait fait la promesse et elle fut tenue.

Le service des brancardiers, n'a pris fin qu'à 17H30 au moment où toutes les troupes repliaient ensemble du champ de bataille.
Les ambulances ont reçu et évacué environ 900 blessés. Les plus graves, une centaine environ, sont restés dans les bâtiments de la Croix-Rouge. L'heure tardive à laquelle j'ai appris que les médecins civils de ces établissements avaient abandonné leurs postes ne m'a pas permis de laisser de personnel avec ces blessés, mais les soins ont été continué par les soeurs.
Parti dans la direction de St-Gérard vers 18H00.

 

Journal de marche du groupe de brancardiers de la 19e division:

21 août: le feu est tellement dense au-delà de la crête d'Arsimont que nous ne pouvons transporter que 15 blessés à l'ambulance n°2 installée à Aisemont.
Mais cette ambulance elle-même ne peu s'installer complètement, se trouvant exposée.
A 19h30 ordre de me poster avec le groupe B sur la route Fosse, Nevremont, Arsimont, Auvelais. Les blessés sont nombreux, de 20H30 à 3H30, 190 blessés environ sont transportés couchés sur brancards, voitures, brouettes vers une ambulance N°3 installée à Fosse en plein fonctionnement.
Tous les postes de secours du 70e, 71e et 48e installés dans la zone précedente sont évacués entièrement pour 3H30.
22 août: la bataille continue autour de Fosse. Les 19e et 20e divisions sont engagées avec la garde prussienne; 3 charges à la baïonnette dans les tranchées sont décimées par les mitrailleuses allemandes groupées en véritables compagnies. Une assez forte proportion d'officiers restent sur le terrain.
A 12h15 accalmie du feu, le groupe se porte sur la route Fosses/Névremont sillonnée par de nombreux blessés: 160 blessés environ sont évacués couchés, assis et même debout, et dirigés sur la gare de Fosses, sans passer par l'ambulance.

L’abbé Marion de St-Gérard :

Le 22 au soir, les troupes du 48e RI revinrent à St Gérard, ayant perdu, selon le curé, 2.000 sur 2.800, du moins, 800 hommes seulement revenaient à St Gérard (il devait y en avoir encore dans d’autres villages). 2 officiers revinrent chez le curé, disant qu’ils étaient les seuls sur les 12 que le curé avait logés, qu’on les avait fait charger à  1200 mètres de distance.
La même semaine, le 2e zouaves et le 2e RTA étaient passés également à St Gérard pour se rendre à la bataille de la Sambre. 
Des débris de ces régiments revinrent le 22 pour se reposer à St Gérard. Beaucoup de blessés y furent amenés ; au château Morimont, chez Mme Martin, à l’école et surtout au couvent de la Visitation. 

  Au château Morimont où se trouvaient 200 soldats grièvement blessés (et pas de médecins ni d’infirmiers les premiers jours), les soldats et officiers se plaignaient (surtout des régiments d’Afrique) qu’on les eu fait charger de beaucoup trop loin et sur des endroits garnis de mitrailleuses « un ordre stupide ». D’autres qui se trouvaient dans le bois d’Ham-sur-Sambre, avaient été surpris par les Allemands et mitraillés.
Ces braves gens avaient fait preuve d’une grande ardeur guerrière et conservaient un moral excellent. Il y avait cependant un petit nombre, surtout des officiers  qui étaient très affectés des fortes pertes de leurs unités. »

La journée du 23 aout, l'entrée des Allemands :

Témoignage du Doyen Crépin de Fosses-la-Ville: 

 
Le Doyen Crepin

Dimanche 23, peu après minuit, je distribuai la Sainte communion dans tous les établissements transformés en hôpitaux. Vers 5 heures du matin je fis une sortie dans les rues pour inviter les paroissiens à se rendre à la sainte Messe. La localité avait un aspect lugubre et sinistre. Par une inspiration, que je n'hésite pas à appeler providentielle, je jette un coup d'oeil dans la maison du coin à côté de l'hôtel de ville, j'y trouve un turco endormi. Je l'éveille et moyennant une pièce de 5 francs, j'obtiens son départ pour rejoindre les troupes françaises à Saint-Gérard. Quelques heures plus tard il eût tiré sur les Allemands et on eût cru à la présence de francs-tireurs. (voir l'article complet ici http://www.mettet14-18.be/articles/les-tirailleurs-algeriens-lors-des-combats-daout-1914)
À 5H30 je dis la messe devant une cinquantaine d'hommes, de femmes et de religieuses. Le canon gronde toujours. Messe fervente s'il en fut! 
Vers 7H45, un régiment allemand fait son entrée dans la ville au bruit d'une fusillade incessante. Il y eut un moment de terreur, surtout chez les blessés. J'ai la pyxide du Sacrement sur moi. Au couvent des soeurs de saint-Martin, on prie pendant une demi-heure d'épouvante.

Vers 16H00 on vient nous annoncer que des blessés sont sans secours à l'école communale. On organise une voiturette de vivre. Je les confesse, et ne connaissant pas la gravité des blessures, en l'absence de tout médecin, je leur offre de les communier en viatique. Ils acceptent, les officiers les premiers. Je reviens à l'église prendre un ciboire: il y avait environ 70 blessés. On transporte dans la crypte les soldats morts.
Vers 18H00, je me dirige seul, en surplis et en étole, avec le Saint Sacrement, par la rue du Chapitre. Arrivé à Leiche, au tournant, je rencontre l'armée allemande, en bon ordre de marche, c'est l'artillerie. À ma vue l'officier salue de l'épée et me montre de prendre la seconde partie de la largeur de la rue. J'arrive auprès des blessés. Je communie ceux de la salle de gauche. On m'avertit que je vais être interrogé par des officiers. Je communie ceux de la salle de droite. Ensuite on m'arrête et on m'emmène sur le seuil de la porte, devant trois officiers, révolver au poing, encadré par des soldats à cheval. Ils me demandent mes noms, prénoms et profession. Puis ils me demandent s'il n'y a pas de Français?
Non. -De Belges avec mitrailleuses? Non. -d'habitants cachés dans les caves en francs-tireurs? Non. Ils sont tous partis, il n'y a qu'une trentaine d'hommes dans la ville, tous ou à peu près sur la place voisine du chapitre, soignant les blessés. -Et le bourgmestre? Parti! -Et les Conseillers? Partis. -Alors à qui s'adresser? - À moi, je prends toutes les responsabilités. On me fit prêter serment sur tout ceci

La nuit se passa sans encombre. Nous n’eûmes même pas une sentinelle sur le Chapitre. L'incendie commencé le matin embrase la nuit. Mais les officiers ont promis que c'était tout! Ils étaient satisfaits!
Le lundi, 24 août, je me rendis dès le matin à l'état-major où j'avais appris que se trouvait parmi les officiers, le Comte de Limburg-Stirum. Je me fis connaître et je lui expliquai la portée de mon serment ... Je lui expliquai les affiches annonçant des réunions de zouaves et la possibilité de trouver des habits militaires à cause des processions ou "marches militaires" qui devaient avoir lieu à Fosses à la fin de septembre. Je lui demandai des hommes pour enterrer 7 soldats morts. Il m'accorda 28 hommes. Je lui demandai encore de cesser les incendies, comme on me l'avait promis la veille. IL me répondit que l'ordre avait été donné à la suite de mes déclarations de la veille et que l'on allait les renouveler. Je lui demandai enfin de cesser le pillage. Il me répondit que personne n'étant là, il fallait bien que l'armée trouve de quoi se ravitailler. Il ajouta: "Faites mettre de drapeau de la croix rouge aux quatre coins de votre clocher et je vous donne ma parole d'honneur que pas un obus de l'armée allemande ne tombera sur lui ni sur ce qui l'entoure. Les soldats allemands prirent nos 7 soldats morts sur des brancards et les conduisirent dans le vieux cimetière au bout de la rue Alval dans les fosses creusées.

La ville de Fosses avec les sections de Nèvremont, Hauvent et Bambois, compte 3.600 habitants 66 maisons ont été incendiées. Deux certainement, l'une rue de Bruxelles, l'autre près de la station, l'ont été par des obus le dimanche 23 août vers 7H00 du matin, les autres ont été systématiquement incendiées; elles étaient situées rue de Bruxelles, rue de la Station et à Névrement, rue de Rivaustré. Parmi ces habitations, il y a 4 grosses fermes. La commune de Fosses eut à déplorer, outre les pertes matérielles, la mort de cinq des siens:

Joseph Massinon: célibataire, un peu simple d'esprit, eut la tête fracassée chez lui.
Jean-Baptiste Crépin: marié, un peu sourd, n'a pas entendu la défense de ne pas traverser la route et a été fusillé.
François Clause: de Nevrement, 90 ans, a été emmené à l'institut de Gembloux, où il aurait été fusillé. Il y est enterré.
Charles Guillaume: de Bambois, marié, sans enfants, fut frappé d'une balle pendant le combat sur le territoire de Biesmerée, en voulant fuir.
Émile Eugène: 39 ans, père de famille, fusillé à Dinant et y enterré.

 

Vers 5H45, une sonnette agitée sur la place du Chapître annonce la célébration de la messe. Vers Namur le canon gronde à tempête.

L'exode des autorités civiles des médecins et de la population

Les derniers jours de la semaine du 15 au 23 août, la presque totalité des habitants de Fosses abandonna la ville et les hameaux. Le signal de l'exode avait été donné par les habitants d'Arsimont et de Ham-sur-Sambre dont les villages étaient sous le feu des canons allemands. Nul ne connaissaient les horreurs commises à Tamines. La nuit du samedi 22 au dimanche 23 vit s'enfuir les derniers habitants qui ne s'étaient pas réfugiés au Chapître. Il n'en restait qu'une dizaine, au plus, à Nevremont, autant au Bambois; quelques vieillards de la Gare.
Dans les hôpitaux de la Croix-Rouge restaient toutes les religieuses, les familles Lallemand,(...); Mr et Mlle Genart, Mlles Biot soeurs, quelques hommes, quelques dames, de vieilles gens amenés de tous les coins de la commune. Mr le conseiller provincial Wéry dont la femme venait d'accoucher avait amené la mère et l'enfant au couvent des soeurs Ste Marie. Au total, une quarantaine de personnes. Toutes les autorités civiles étaient en fuite devant l'invasion probable. Le bourgmestre, les échevins, tous les conseillers communaux, sauf Mr Genart, conseiller catholique, le secréraire, le receveur, le commissaire de police, les employés de la commune, tous avaient fui.
La ville semblait, le dimanche matin, une ville morte: portes fermées, rideaux et stores baissés, volets cadenassés; pas un être humain, pas un chien, pas un chat!  sion deserta facta est!
A 5H00, Mr le Doyen parcourt les rues du centre de la ville et annonce à certaines personnes qu'il sait cachées dans une cave de brasserie, qu'il va dire la messe. Il a l'inspiration d'écrire à la craie sur certaines portes de maisons appartenant aux personnes dévouées aux soins des blessés " Famille au service de la la Croix-Rouge. Sign. Crepin Doyen" Pas une de ces maisons ne fut ouvertes pendant le pillage!

L'entrée des éclaireurs allemands

Une première compagnie  traversa la ville vers la gare avec des incendiaires. Déportation de l'ancien gendarme Mathéï

Vers 7H1/4 du matin, nous voyons des flammes s'élever de la rue de Bruxelles, presqu'au centre de la ville; on croit d'abord à l'incendie de la brasserie Desmanet, mais on repère les maisons Biot et Boxus et Leuridan. Un peu après, on voit les flammes surgir du quartier de la Laide Basse, mais on ne peut déterminer quelle maison ou du pâté est en feu.
Nous avons entendu à cette heure sifflet des obus (trois) suivis de la vue des flammes: il est probable que ces incendies sont dus au tirs de canons.
Mais vers 7H45, règne un silence absolu. Tout à coup nous entendons pétarade sur pétarade. Le bruit se rapproche. On a l'inpression que le fusillade éclate dans les rues de la ville. Moment de frayeur provoquée surtout par les blessés français qui crient "Ils vont nous achever! Ils vont nous tuer sur notre lit! Mr le Doyen, intercèdez pour nous!Ma soeur dite leur de ne rien nous faire!" 
Notre seul refuge est la prière. Mr le Doyen porte sur lui une pyxide pour pouvoir communier les blessés moribonds si c'est nécessaire. Il a porté un ciboire à l'étage du couvent des soeurs St Martin et un autre dans mla chapelle du couvent des soeurs Ste Marie.Tout le monde prie. Des balles de fusil tombent dans la cour du couvent des soeurs St Martin, percent la toiture du couvent des soeurs Ste Marie, percent les carreaux de l'école communale des garçon où flotte le drapeau de la Croix-Rouge, déchirant les drapeaux belges restés à certaines façade, notamment à la poste. Un soldat monte au clocher et va abattre le drapeau national qui y flotte. Aucun soldat ne se présente dans les hôpitaux. Le détachement après une demi-heure remonte vers Nèvremont. Plus de soldats allemands d'ici au soir.

​Dès le dimanche soir, Monsieur le Doyen réclama des médecins belges aux médecins allemands qui visitèrent sommairement les blessés.
Le mardi 25 août de grand matin arrivèrent un élève médecin et un pharmacien militaire. L'après-midi arrivèrent 3 médecins militaires belges.
Le mercredi arrivèrent les docteurs Namèche et Franckard.
Les blessés furent évacués par les Allemands, d’abord sur des chariots dirigés vers Namur, les évacuables étant désignés par un Allemands en civil qui ne s'occupait pas des observations des médecins. Puis la dernière fois, par un train amené en gare de Fosses, on évacua tous les blessés. Mais on du en ramener quatre au couvent des Sœurs: deux succombèrent peu après, deux se rétablirent après être restés en traitement chez les sœurs jusqu'en 1915

 

Les sentiments chrétiens et de piéter des soldats français blessés soignés dans les hôpitaux de Fosses:

Aussitôt après l'entrée dans nos hôpitaux, le Doyen s'empressa de leur offrir le secours de son ministère spirituel. Les offres furent agréées de presque tous les soldats français et il ne fut rebuté par aucun.
Le dimanche 23 août, on trouva environ 70 blessés couchés sur la paille dans les locaux de l'école communale, c'était vers 16H00. Après avoir distribué des vivres, Mr le Doyen s'offrit à confesser et à communier ceux qui le désirèrent. Vu qu'il n'y avait pas de médecin, on ne pouvait savoir ce que deviendraient les blessés par le temps chaud et malsain qui régnait. Ce fut trois officiers des zouaves qui les premiers firent signe qu'ils désiraient se confesser et communier. Presque tous les soldats les imitèrent, et notamment ceux de la salle où ne se trouvaient pas les officiers.
Ces mêmes officiers, ramenés au château Destrée, récitaient chaque jour tout haut le chapelet: l'un d'eux commençait, les deux autres répondaient.
Pendant les quinze premiers jours, Mr le Doyen, chaque nuit un peu après minuit, parcourait les salles des divers hôpitaux disséminés sur la place du chapitre. Il était porteur du Saint Ciboire et il donnait la communion à tous ceux qui la désiraient. Les uns avertissaient la veille les soeurs ou les infirmières de les éveiller à l'arrivée du prêtre, les autres se soulevaient un peu sur le lit pour faire connaître leur désir. Bien souvent, il arriva que le prêtre dût s'arrêter quelques instants pour entendre en confession l'un ou l'autre blessé immédiatement avant de lui donner la sainte communion.
La patient ce des blessés était admirable, leurs sentiments étaient très nobles.
L'un, couché sur un peu de paille, venait de se confesser, Mr le Doyen le quitte en lui disant de supporter chrétiennement ses souffrances et le blessé répond : "oh! si seulement le bon Dieu veut bien les accepter pour que nos bonnes soeurs rentrent chez nous!"
Un autre souffrant atrocement à côté d'un compagnon pâle et exsangue, dit à Mr le Doyen: "Je voudrais que le bon Dieu me repris à la place de mon camarade; moi, je suis seul, lui il a de petits enfants!"
Un capitaine du 70e mourant dit à Mr le Doyen: "dite à ma femme que je lui fais tenir à mes pages: "je meurs en soldat français et en chrétien!"

Une colonne allemande, fanfare en tête descend la rue de la Gare

Les incendies allumés par les Allemands:

Quand tout est redevenu calme, on voit la ville couverte d'un voile épais de fumée: de droite à gauche des maisons brûlent à la gare, rue de la Gare, rue de Bruxelles, maisons dont un grand nombre sont séparées l'une de l'autre. Des pastilles incendiaires ont été jetées. La preuve palpable de l'incendie volontairement allumé: à l'hôtel tenu par les demoiselles Piefort qui s'étaient réfugiées à la Croix-Rouge, le feu a pris aux volets, aux rideaux et à une partie de la tapisserie des murs de la salle... Puis, il s'est éteint!
Mais nous avons mieux que cela, l'aveu écrit d'un Allemand que prétend que l'on a agi par représailles et la promesse qui fut faite à Mr le Doyen par l'état-major, de ne plus incendier.
Mr Matheï, ancien gendarme retraité, a été pris chez lui le dimanche matin et conduit à la route de Mettet en avant des troupes qui entrèrent en ville le dimanche matin. Il était accompagné de Kairin Jules, Colette frère et Genart Joseph. Pendant le parcours, la compagnie "fouilladait dans les rues du centre de la ville et des soldats tenant des bottes de paille, enfonçaient les portes des maisons, allumaient la paille et le feu ne tardait pas à dévorer de haut en bas les maisons visitées par eux. Matheï pense qu'ils avaient d'autres moyens d'incendier: des pastilles? ou liquides quelconques?


Fosses-la-Ville Allemands montant la rue de la Gare. Les manchettes aux galons particuliers, nous font penser qu'il s'agit de soldats du zu Fuss regiment (Garde du Kaiser, régiment de la garde à pied)

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