André Graff soldat du 1er régiment de grenadiers de la Garde

André Graff soldat du 1er régiment de grenadiers de la Garde

Un alsacien dans la Garde prussienne :

Article réalisé par son petit fils, Nicolas Graff pour le site "Mettet 14-18.be"

Le service militaire obligatoire (allgemeine Wehrpflicht) fut introduit en Prusse par la loi du 3 août 1814 (Gesetz über die Verpflichtung zum Kriegsdienst) à l'occasion des guerres contre Napoléon. Tous les citoyens, dès l'âge de 20 ans, devaient accomplir un service d'une durée de 2 ou 3 ans selon les unités d’affectation, sans exemptions ni remplacement.
De 1871 à 1918, les Alsaciens résidant en Alsace étaient de facto des citoyens Allemands et devaient se conformer à toutes les lois allemandes, incluant l'obligation du service militaire et les ordres de mobilisation.  L'Alsace et la Moselle étaient "Reichsland" mais sous contrôle Prussien. En conséquence, les ressortissants de cette région étaient logiquement incorporés  dans des unités prussiennes. 

 

André GRAFF 

 né le 1er décembre 1891 à Bennwihr, en Alsace, dans une famille de viticulteurs francophiles. 

 Il est de la classe 1911 (année de son 20ème anniversaire).

Le 1er octobre 1912, comme pour tous les autres conscrits déclarés aptes, a lieu l’enrôlement proprement dit. Il se présente alors dans un “dépôt” militaire du Reich et se voit affecté au 1er régiment de grenadiers de la Garde “Kaiser Alexander” (en allemand : “Kaiser-Alexander-Garde-Grenadier-Regiment Nr. 1”) à Berlin.
Pour être recruté dans la Garde, il fallait mesurer au moins 1,70 m.

 

Son régiment :

A la veille de 1914, le Kaiser-Alexander-Garde-Grenadier-Regiment Nr. 1, créé en 1814 et commandé par l’Oberst (colonel) Graf von Fick von Fickenstein, fait partie avec le Königin-Elisabeth-Garde-Grenadier-Regiment Nr. 3, commandé par l’Oberst Böhm, de la 3ème Brigade d’infanterie de la Garde commandée par le Generalmajor von Petersdorff. 

 

Tableau des unités du corps de la Garde présentes lors de la bataille de Saint-Gérard (cliquez)

Son uniforme (en tenue de parade) :

Sur une veste de couleur bleue, les épaulettes blanches marquées d’un A rouge entrelacé avec un “1” surmontés d’une couronne impériale, les bandes blanches au col, les 3 boutons de manche horizontaux sur bandes blanches en pointe sont celles d’un soldat au Kaiser-Alexander-Garde-Grenadier-Regiment Nr. 1. 
Les “Schnabelnest” (nids d’hirondelles) sur les épaules caractérisent les tenues de musicien. 
Le “Haarbusch” (crin) monté sur le “Pickelhaube” (casque à pointe) est destiné à la parade (les crins de musiciens étaient rouges). Sur le casque à pointe, on aperçoit les “Wappen” (blason), plus spécialement l’aigle prussien au poitrail oblitéré par l’étoile de la garde. 
Les couleurs de la “Troddel” (dragonne) indiquaient dans quelle compagnie le garde servait au sein du régiment. 
La “Koppelschloss” (boucle de ceinture) est un modèle M1895. Au centre de cette boucle (non visible ici) un médaillon prussien avec la légende « Gott mit uns ».

Sa fonction:

L’insigne avec les deux drapeaux croisés sur la manche est celui de signaleur. Il y avait 5 signaleurs par compagnie. Ceux-ci étaient à la disposition du commandement de compagnie et de ses 3 chefs de section.

Les signaux, faits en alphabet morse, sont simples ainsi :
a a a (Avanciren) : “En avant”
g g g (Geschutz) : de l’avant vers l’arrière “ Allongez le tir de l’artillerie”
h h h (Halt) : “Halte”
m m m (Munition): de l’avant vers l’arrière “Envoyez munitions”, de l’arrière vers l’avant “Munitions arrivent”
s s s (Sturm) : de l’avant vers l’arrière  “Nous allons donner l’assaut”, de l’arrière vers l’avant “Assaut imminent”
v v v (Verstanden) : “Compris”

L’offensive en Belgique :

Août 1914, les parades berlinoises sont terminées et l’acier va remplacer les cuivres.
Le Kaiser-Alexander-Grenadier-Regiment Nr.1 avec l’ensemble du “GardeKorps” forme l’aile gauche de la 2ème Armée commandée par le Generaloberst von Bülow. Il est envoyé vers la frontière belge et stationne dans la région au sud de Montjoie le 8 août 1914.

Son carnet:

André GRAFF a tenu son journal entre le 14 août 1914 et le 20 août 1915. Ce journal a été tenu sur un carnet de 15 x 8,5 cm. Il est écrit au crayon à papier et en allemand gothique cursif. Certaines parties de phrases ont été effacées par le temps et la balle qui le traverse au cours de la bataille de la Marne en a altéré la partie supérieure 

Freitag den 14 August um 1 1/2 Uhr nachmittags in strammen Tritt und mit Hurra die belgische Grenze hoch, man sah die ersten Verwüstungen des Krieges. Bäume läng der Strasse waren abgeschnitten und als Hindernisse quer über die Strasse gelegt, waren aber von unseren Truppen weggeschafft worden”

“Vendredi 14 août à une heure trente de l’après-midi, nous marchions au pas cadencé et avec des “Hourra” vers la frontière belge. On voyait les premières dévastations de la guerre. Le long du parcours des arbres abattus placés en travers de la route servaient d’obstacles et furent déplacés par nos troupes.”

“Die von Feinden (...) von  underen Pionieren wieder hergerichtet worden in Huy ist nun eine starke Befestigung schon in unser Händen. Auf beiden Seiten der Maas waren durch die Beschiessung des Forts grosse Verwüstungen angerichtet worden. Wir urschierten morgen um 4 Uhr ab und kamen abends 1/2 9 Uhr an (...) wir die ersten 5. Liebe Marie den Gruβ erwidere ich aus ganzen Herzen und bitte dich für uns zu beten und des Vater zu unterstützen. 
Herzlichen Gruβ und Kuβ an Alle von André Graff. ________ vorbei getragen wir die Kompanie ist bis jetzt noch nicht im Kampf gewesen aber vielleicht in ein paar Minuten kommen wir daran. Es ist jetzt 1/2 7 Uhr morgens den 22.8 Lebet wohl und Wiedersehen.”

“(... Les obstructions faites par l’ennemi ? ...) furent aussitôt arrangées par nos pionniers du Génie dans Huy. Une solide fortification tombait immédiatement entre nos mains. Suite aux bombardements de la forteresse, les deux côtés de la Meuse furent dévastées.
Nous marchions dès 4 heures du matin et arrivions le soir à 8 heures 30.”

“Chère Marie (soeur d’André), je te salue de tout coeur et te supplie de prier pour nous et de soutenir notre père. Cordiales salutations et baisers à tous. André Graff _______ Pour l’instant la compagnie n’a pas encore participé au combat, peut-être que dans quelques minutes ce sera notre tour. Il est maintenant 6 heures 30 du matin ce 22 août, adieux et au revoir.”

“(...) 22 (...) Kampf (...) den Ganzen Tag. Erst meinte man dass wir weichen müssten, aber die Augustiener und Franzer und Uhlanen nahmen die feindliche Stellung im Sturm, unter grossen Verlusten und der Feind musste weichen unter noch grösseren Verlusten.
Die feindliche Infanterie schiesst schlecht, dagegen die Artillerie brachte unserer Infanterie die Verluste bei, während sie unserer Artillerie nichts anhaben konnte.
Unsere Artillerie kämpfte die Übermacht der feindlichen Artillerie nieder. Sonntag den 23.8 bin ich noch auf Wache. Tag und Nacht werden Verwundete vorbeigeführt. Die Schlacht bei Auvelais wird für die Deutschen Waffen unvergesslich bleiben. Wir bleiben noch bis zum 26.8.14 auf Brückenwache in Auvelais an der Sambre. Mittwoch den 25.8 fuhr mein Bruder Joseph vorbei.”

“(...) 22 (... août ?...) combat (...)  toute la journée. D’abord on croyait se replier, mais les “Augustins”, les “Franzer” et les uhlans ont pris d’assaut les positions ennemies avec des pertes importantes. L’ennemi a du se replier après des pertes encore plus importantes. L’infanterie ennemie tirait mal, par contre l’artillerie a infligé des pertes importantes à notre infanterie, tandis que notre artillerie n’était pas touchée.
Notre artillerie a lutté contre la supériorité de l’artillerie ennemie. Dimanche 23 août, je suis encore de garde. Jour et nuit, des blessés étaient transportés devant moi. La bataille d’Auvelais restera inoubliable pour les armes allemandes. Nous sommes encore restés jusqu’au 26 août pour garder le pont d’Auvelais sur la Sambre.

Mercredi 25 août mon frère Joseph passe devant moi en voiture.”

“Wir (...) 2 Stunden beisammen und schreiben 1 Karte an der Vater und eine an Eugenie. 
Den 26, marschieren wir von Auvelais über Fosses und Mettet nach Florennes. Unterwegs begegneten uns grosse Transporte  Gefangener Belgischer und Französischer Soldaten und Belgische Geschütze und Maschinengewehre welche von 2 Hunden gezogen wurden. Am anderen Morgen mussten wir wieder zurück nach Saint Gérard (...) das grosse Munitions-Depot zu bewachen hatten. Tags darauf machten wir wieder die Strecke zurück nach Florennes nach Rangen von wo wir den anderen Morgen Sonntag den 30 weitermarschierten und überschritten um 9 Uhr morgens die Belgisch-Französische Grenze. Unser Regiment war 60-70 Klms vor uns welchem wir im Eilmarsch.”

“(...° pendant près de deux heures nous sommes restés ensemble et nous avons écrit une carte à notre père et une à Eugénie (épouse de Joseph).
Le 26 nous marchions d’Auvelais à Florennes via Fosses et Mettet. En cours de route nous rencontrions d’importants convois de soldats prisonniers belges et français, des canons et des mitrailleuses belges tirées par deux chiens. Le lendemain matin nous devions retourner à Saint-Gérard pour garder un grand dépôt de munitions. Le lendemain, nous faisions le même chemin retour à Florennes puis Rance et le lendemain matin, dimanche 30, nous marchions et passions la frontière belgo-française à 9 heures du matin. Notre régiment nous devançant de 60 à 70 kilomètres nous devions le suivre en marche accélérée.”

 

Parcours militaire après la campagne de Belgique : 

le 6 septembre 1914, André Graff blessé dans la Marne à Ecury-le-Repos. Evacué dans un lazarett à Etrechy il y est découvert par les troupes françaises lors de leur offensive du 9 septembre puis évacué à Bordeaux où il est soigné. Ensuite ce sera comme pour beaucoup d’Alsaciens, l'enfermement dans le fort de Lourdes. Refusant de reprendre les armes car ses frères étaient encore de l‘autre côté, il est envoyé dans un chantier forestier à Soubrosse puis au camp de Saint Rambert dans la Loire où d’ailleurs son frère Joseph le rejoint un peu plus tard. Ensuite il est envoyé travailler dans des fermes de la Loire pour remplacer les hommes envoyés au front. Dans une de celles-ci il y rencontre sa futur femme: Amélie (1888-1980). A la fin de la guerre il retourne en Alsace où hélas son père est décédé avant l’Armistice. Cherchant du travail, il retourne dans la Loire où il est enbauché dans une usine metallurgique à Saint-Etienne. Il y ouvre un négoce de vins. Finalement il prendra la succession de la ferme de ses beaux-parents vieillissants à Saint-Paul-en-Jarez. Avec Amélie il aura quatre enfants : Alphonse (1921), Antoine (1922-2015), Suzanne (1925) et Henri (1929-1998). Il décède le 6 mai 1954.